mercredi 18 juillet 2012

Impressions d'usine.

Photo : Nigelhimself on Deviantart

Le poids de la vie ne semble pas peser plus lourd que sur les épaules d’un ouvrier.
Un poids qui reste marqué dans les rides de ceux qui sont là, depuis plus de trente ans. Ces rides, creusées par l’usure de matins gris et de soirs routiniers. Un boulot, mon boulot, celui de ceux qui produisent, ceux qui fabriquent, ceux qui emballent, qui, à la chaîne, font vivre un objet du quotidien que l’on consommera et que l’on jettera aussitôt.
Je n’ai vu aucun ouvrier clamer son amour pour sa condition, pour son labeur. Elle aurait voulu rester dans son Nord chaleureux, à Valenciennes. « J’aurais dû me casser une jambe » au moment où elle avait décidé de partir. Il aurait voulu travailler dans les métiers du son ou du cinéma. « Il aurait pas fallu que j’fasse le con à l’école ». Elle, avec son accent espagnol, « Faites vos études ! ». Lui et son dépit apparent « Le meilleur moment c’est l’quart d’heure » [de pause].
C’est un job alimentaire comme bien d’autre.
Pour moi, il est marqué par son histoire. Le grand mythe de la condition et de la lutte ouvrière. D’un sentiment de communauté de travail, d’un lien forgé dans l’usine, entre les familles. La réalité d’une vie très dure, d’une vie marquée par la souffrance, la répétition, la chaleur ou le froid, la poussière ou les vapeurs, les mains, le dos et l’âme usée.
Nous n’y sommes plus. Nos conditions ne sont pas mauvaises. Mais reste la répétition. A en perdre la tête. Les machines, ces entités immobiles et hyperactives, donnent du fil à retordre aux ouvriers avec leurs caprices incessants. Il faut suivre leur rythme et réparer leurs défauts. Ce sont des robots prétentieux et métalliques. Froids.
Et dans ce lieu bruyant, les uns entraident les autres. Je ne sais pas quel est le cas de la plupart des usines, mais ici c’est cordial et amical. J’ai trouvé ma place au milieu de ces gens, marqués par la vie.
Je me sens bien avec les gens comme eux, les gens vrais. Les gens marqués. Les gens qui ne font pas semblant. Les gens simples. Il ne faut pas les impressionner pour gagner leur amitié. Ils ont les valeurs qu’on a bien voulu leur inculquer et ils vivent avec, en y croyant fort. Ils prennent ce qui vient et ce qui est bon.

Photo : Redmemet on Deviantart
Photo : Hbynoe on Deviantart