jeudi 19 janvier 2012

Humeur équine

Je voulais vous parler de la relation qui m'unit aux chevaux. Mais c'est une tâche plus difficile que prévue. C'est un échange tellement silencieux et presqu'intime qu'il n'est pas aisé de mettre des mots dessus.

Imaginez un œil, un œil de cheval. C'est bien rond, plutôt noir ou marron foncé, mobile. Imaginez ses oreilles, sans cesse en mouvement. Une tournée vers l'avant, l'autre vers l'arrière, considérant les moindres bruissements ; les deux en avant quand, au loin, quelque chose bouge ; flanquées contre la nuque pour éloigner l'autre. Imaginez l'encolure, ou très droite, ou tombante dans la détente, étendue lorsque la crainte se mêle à la curiosité. Imaginez ses lèvres, frémissantes ou décontractées. Imaginez un pied antérieur tapant le sol en signe d'agacement, un postérieur qui lance un coup dans le vent ou dans un congénère. Imaginez le corps du cheval, la bulle de sécurité qu'il maintient autour de lui. Entrez dans sa bulle et voyez comme il fuit ou comme il agresse. Ou, habitué, voyez comme il se laisse faire, touchez chaque partie de son corps, sa peau dure, la terre qui a séché sur son poil d'hivers, les endroits où sa robe se fait toute douce ou à l'inverse les crins rêches et emmêlés. Voyez qu'à certains endroit le cheval refuse ne serait-ce qu'on l'effleure. Pour certains, ce sont les oreilles. Grattez, au niveau du haut de l'encolure ou du dos et voyez comment le cheval remue les lèvres, tend et tord l'encolure, montre son plaisir. Asseyez-vous à côté du cheval. Il parait alors immense, un animal tellement puissant, tellement craintif. Mais vous savez qu'il ne vous fera pas de mal tant qu'il vous considère. Tout comme le cheval heureux de votre venue ou du pain dur qui l'attend, accourt au galop et pile à seulement quelques centimètres de vous. Faites-en le tour mais comprenez que le cheval fonctionne différemment de l'humain. Ses codes ne sont pas les nôtres, alors il faut les intégrer : instinct grégaire, instinct de fuite, domination, bulle... Pour vivre cette expérience, il faut se faire cheval.

Il est peut être difficile pour le profane d'imaginer être cheval mais c'est une ouverture vraiment exceptionnelle. L'ouverture vers un langage sans mots et sans faux-semblants.

Gitane

1 commentaire:

Noun a dit…

Voilà qui est vraiment très beau et très bien dir ma chère Flora !
ça donerai envie de prendre le temps de rentrer dans cette bulle là … de se faire cheval !
Merci